Depuis la publication en mars 2018 du rapport Sénard – Notat sur « L’entreprise, objet d’intérêt collectif » et sa prise en compte dans la loi PACTE, la notion de sens au travail a refait surface dans le débat managérial.

Ainsi, la recommandation n°2 du rapport propose de « confier aux conseils d’administration la formulation d’une raison d’être visant à éclairer l’intérêt propre de la société et de l’entreprise ainsi que la prise en considération de ses enjeux sociaux et environnementaux ».

 

Pourquoi une raison d’être pour l’entreprise ?

La raison d’être est une recherche de cohérence : pourquoi la société ne pourrait-elle disposer que d’un « avoir » constitué de ses actifs et de ses passifs, pourquoi ne pourrait-elle pas faire valoir un « être » ?

 

Si elle est dotée d’une volonté propre, de droits et d’obligations, et d’un intérêt propre parfois distinct de celui de ses associés, pourquoi ses décisions devraient-elles être guidées par une seule « raison d’avoir » sans une « raison d’être » ?

 

C’est quoi, exactement ?

Cette « raison d’être » est définie comme l’expression de ce qui est « indispensable pour remplir l’objet social ».

A la manière d’une devise pour un État, la raison d’être pour une entreprise est une indication, qui mérite d’être explicitée, sans pour autant que des effets juridiques précis y soient attachés. Certaines sont concises et donc claires et mobilisables.

Par exemple :

IKEA : « Proposer une vaste gamme d’articles d’ameublement, esthétiques et fonctionnels, à des prix si bas que le plus grand nombre pourra les acheter »
Google : « Organiser les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous »
Nike : « Apporter l’inspiration et l’innovation à tous les athlètes dans le monde »

 

Quel intérêt ?

Doter l’entreprise d’une raison d’être et la mettre à l’esprit des organes stratégiques, c’est lui donner une habilitation.

Proposée par le conseil d’administration, la raison d’être peut avoir un usage stratégique, en fournissant un cadre pour les décisions les plus importantes, afin de concrétiser l’intérêt propre de la société et de l’entreprise, et les considérations sociales et environnementales. Ainsi, elle apportera un contrepoids utile au critère financier de court terme.

 

Et sur le plan managérial ?

Cette démarche vise à la fois à responsabiliser la direction en même temps qu’à en conforter l’assise.

Menée largement dans l’entreprise, cette réflexion peut permettre à la direction
d’organiser un compromis neutre et créatif entre les aspirations des différentes parties y prenant part.

Par exemple, la raison d’être peut être formulée pour renforcer l’engagement des salariés, en donnant du sens à leur travail.

Mais quelle que soit la qualité de la discussion collective, il y aura toujours une part d’inconnu et d’indécidable dans la mise en œuvre de la stratégie. C’est la noblesse du rôle de dirigeant d’assumer cette part d’inconnu, de prise de risques.

En créant les conditions de l’expression de l’intelligence collective de ses différentes parties prenantes,
notamment dans le débat autour de cette raison d’être, il minimisera les risques pris
et donnera les moyens à son entreprise de mieux s’adapter à un environnement mouvant.

Enfin, il saura faire vivre cette raison d’être dans la durée, pour en cueillir les fruits durablement :
« Faire vivre une raison d’être, c’est vérifier qu’elle inspire réellement les actions des uns et des autres et les grandes orientations prises – Shutterstock »

 

Pour aller plus loin :

  • Le rapport Sénard – Notat du 9 mars 2018

https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2018/entreprise_objet_interet_collectif.pdf

  • Un article des Echos Executives pour mieux appréhender la notion de raison d’être

https://business.lesechos.fr/directions-generales/innovation/innovation-sociale/0301433373129-la-raison-d-etre-cette-singularite-319576.php

  • Une interview de Jean Dominique Sénard sur le management du sens dans l’entreprise

https://business.lesechos.fr/directions-generales/innovation/innovation-sociale/0301754783119-jean-dominique-senard-president-de-michelin-le-sens-et-le-pourquoi-nourrissent-la-motivation-321483.php