Voyage en entreprises régénératives – Épisode 2 : « Déconstruire l’Entreprise volumique »

Face au dérèglement climatique, comment faciliter les transitions des entreprises vers des modèles respectueux de la planète ? Comment embarquer les équipes dirigeantes et les collaborateurs dans cette indispensable évolution, face aux réactions chaque jour plus éruptives de notre planète ? Comment apporter les garanties conceptuelles et méthodologiques nécessaires, pour faire évoluer les représentations, les visions du monde, les cadres de référence de tous, actionnaires, dirigeants, équipes, partenaires, …? Comment faire le premier petit pas ?

Le parcours de formation porté par Axa Climate et l’organisme de recherche Lumia, déjà suivi par plus de 700 personnes sur les 3 premières promotions, a pour ambition de faire découvrir l’entreprise régénérative, « une entreprise qui fonctionne et opère comme un système vivant, dans le respect des limites planétaires, en contribuant de manière positive aux éco-systèmes vivants, humains comme non humains », dixit Antoine Denoix, le directeur d’Axa Climate.

Pourquoi est-ce nécessaire ? « Parce que 6 des 9 limites planétaires sont déjà dépassées, l’habilité même de la planète est menacée. Il faut passer d’entreprises qui veulent faire « moins mal » à des entreprises qui vont positivement impacter le vivant ».

C’est possible ? Oui, un certain nombre d’entreprises ont déjà fait le pas et en témoignent, comme Christopher Guérin – CEO Nexans (câbles sous-marins) : « Nous avons arrêté la croissance volumique pour aller vers de la croissance en valeur, en repensant le modèle pour qu’il soit systémique et positif d’un point de vue environnemental. Nous nous sommes aperçus que non seulement on s’en tire très bien économiquement, mais aussi que cela contribue à une meilleure sobriété ».


Dans l’épisode n°1, nous avions observé que l’Entreprise était « légèrement en froid » avec les principes du vivant: seulement 2 de ses 9 principes semblaient trouver grâce à ses yeux (« Singularité » et « Diversité »). Deux principes remis en cause par certains commentateurs de l’article, avec des arguments et un regard encore plus critiques sur l’Entreprise.

Bref, Entreprise et principes du vivant, le grand divorce ?

Mais de quelle Entreprise parle-ton ? Toutes les formes d’entreprises se valent-elles ? Se trouvent-elles confrontées aux mêmes logiques, aux mêmes défis et aux mêmes challenges ?

Cet épisode a pour ambition de mieux comprendre ce qui est en jeu et les mécanismes qui ont amenés à cette situation, pour savoir comment s’en sortir, s’il en est encore temps.

Autrement dit, répondre aux trois questions :

  1. C’est quoi le problème, entre le vivant et l’Entreprise ?
  2. Et comment avons-nous fait, nous les Humains, pourtant issus du monde vivant, pour en arriver là ?
  3. Est-il possible de s’en sortir, et comment ?

1. C’est quoi le problème, entre le vivant et l’Entreprise ?

C’est assez simple, en termes d’enjeux, l’espèce humaine est menacée par le fonctionnement actuel de (certaines) entreprises sur le globe !

Avec une croissance illimitée, des déchets partout, de la sur-optimisation, des déséquilibres permanents, les grands principes des systèmes vivants ont été bafoués si vite et si fort par nous, les êtres humains et notamment nos entreprises (certaines), que notre planète touche aux limites de ses conditions d’existence, les fameuses limites planétaires.

3 exemples sur les 9 limites planétaires existantes :

Exemple 1 : L’humanité est menacée par le réchauffement climatique

En l’espace d’un siècle, la quantité de CO² dans l’air a quasiment doublé et notre planète se retrouve avec son climat d’il y a 4 millions d’années. La température s’élève, le cycle de l’eau et les courants marins sont déstabilisés, le niveau des mers augmente, les vagues de chaleur deviennent létales, les vagues de chaleur et inondations plus fréquentes, les sécheresses mettent à mal les rendements agricoles.

Conséquences : nous, les humains, nous risquons purement et simplement l’extinction, la 6ème extinction de masse depuis l’existence de la vie sur Terre, il y a 4.5 milliards d’années !

 

Exemple 2 : L’humanité est menacée par une crise de la biodiversité : c’est une autre des limites planétaires.

Il ne reste plus qu’un tiers des vertébrés sauvages par rapport à il y a 50 ans. L’extinction concerne toutes les espèces et va 100 à 1000 fois plus vite qu’il y a un siècle.

Pourquoi ? A cause de la fragmentation des habitats par nous, les humains. Chaque seconde, l’équivalent d’un terrain de foot d’habitat pour les non humains disparait. En un an, c’est un territoire grand comme l’Italie qui est devenu inhospitalier pour de multiples espèces animales et végétales.

Sans biodiversité, pas de pollinisateurs, les végétaux ne se reproduisent plus, le cycle de l’eau est rompu et sans eau et sans nourriture, nous, les êtres humains, nous risquons purement et simplement l’extinction, la 6ème extinction de masse depuis l’existence de la vie sur Terre, il y a 4.5 milliards d’années !

 

Exemple 3 : L’humanité est menacée par la charge que fait peser l’azote sur les sols, 3ème limite planétaire prise en exemple.

A l’état naturel, l’air contient 78% d’azote. Cet azote est capté par les sols et contribue à la croissance des végétaux. Or, nous avons ajouté artificiellement de l’azote dans les sols en créant des engrais pour l’agriculture intensive.

Aujourd’hui, la charge d’azote dans le sol est telle que c’est comme si, au lieu de prendre un comprimé de paracétamol, on en prenait 10 ! La dose devient létale. Les sols s’abiment et nous, les êtres humains, nous risquons purement et simplement l’extinction, la 6ème extinction de masse depuis l’existence de la vie sur Terre, il y a 4.5 milliards d’années !

Alors, c’est quoi le problème, entre le vivant et l’Entreprise ?

Le problème, c’est que tout est lié : les océans, la biodiversité, l’azote, le CO², tous sont en interaction. Si un écosystème est perturbé, cela déclenche des réactions en cascade, un emballement.

Exemple sur les océans, le premier puits de carbone de la planète, qui en capte la plus grande quantité :

  • L’augmentation du CO² entraine l’acidification des océans, les animaux marins meurent ;
  • Le CO² qui était stocké dans le calcaire des coquillages et autres structures marines est relâché à cause de cette acidification ;
  • L’excédent d’azote dans les sols, se retrouve dans les océans, les algues prolifèrent et captent tout l’O², les autres espèces sont asphyxiées ;
  • Trop de CO² + trop d’azote = moins de biodiversité, un océan qui n’assure plus sa fonction de puits de carbone, un cercle vicieux qui s’emballe, une situation qui devient hors de contrôle pour l’espèce humaine.

Et encore, nous avons envisagé seulement 3 des limites planétaires sur les 9 concernées.

Les humains pourront-ils, sauront-ils se mettre à l’abri ?

Rien n’est moins sûr ! Dans les extinctions de masse précédentes, ce sont les super prédateurs qui ont disparu.

Et devinez quoi, qui sont les super prédateurs sur notre planète aujourd’hui ? Ce ne serait pas nous, les Humains, peut-être ? Nous croyons être tout puissants, un peu d’humilité ne nous étoufferait pas : souvenons-nous, lors des tsunamis, par exemple en Thaïlande, les animaux « sauvages » avaient depuis bien longtemps fui les côtes avant le désastre.

Les Humains seraient-ils plus vulnérables que d’autres espèces ? Le risque est avéré et élevé, la situation est hors de contrôle et l’Entreprise y joue un rôle prépondérant.

2/ Alors, comment avons-nous fait pour en arriver là ?

C’est toute la question du modèle de l’Entreprise volumique, le « toujours plus ».

Au cours du siècle dernier, les entreprises ont amélioré notre bien-être, notre santé, notre alimentation. Elles ont contribué à notre confort, à de meilleures conditions de vies !

Elles se sont bien organisées pour cela : division du travail, augmentation de la productivité, amélioration des rendements, standardisation, optimisation des coûts, gestion de la logistique.

Depuis 1863, elles sont organisées sous forme de SA (Sociétés Anonymes), avec un capital plus grand, pour des entreprises plus grandes et des économies d’échelles encore plus grandes.

En 1980, c’est la fête ! La dérégulation et l’explosion des marchés financiers permettent la mondialisation des marchés et l’abaissement du coût des biens et des services. Les pays se développent, on vit dans un grand village monde.

Derrière ce développement, se tapit une logique implacable : la croissance volumique, qui est la finalité de la plupart de nos modèles économiques.

L’objectif, c’est de fabriquer et vendre toujours plus, d’avoir un PIB toujours plus gros, d’augmenter toujours plus le nombre de clients, la marge, les profits, les dividendes.

Mais il y a un hic : une croissance infinie dans un monde fini, ça finit par peser sur les écosystèmes et sur notre planète.

Être continuellement dans cette intention volumique, c’est enfreindre de fait les principes du vivant : croissance limitée, pas de déchets, interdépendance, sous optimalité, équilibre dynamique.

La finalité de croissance volumique est une catastrophe à cause du cercle vicieux qu’elle engendre : quand les besoins des clients augmentent, il faut augmenter la force de production. Mais si la demande baisse, pour que les investissements restent rentables, il faut continuer à produire … C’est ainsi que l’engrenage infernal se met en place, et il faut courir plus vite que le voisin, sinon il vous rattrape, ou vous rachète.

Pour faire croitre le CA, il faut donc vendre toujours plus de produits ou de services. Quand les marchés se saturent, il faut trouver des marchés de remplacement, soit en organisant l’obsolescence des produits, ce qui permet d’accélérer la rotation grâce au marketing et à la publicité, soit trouver ou créer de nouveaux marchés pour continuer la croissance.

L’intention de croissance du CA est partout, dans la presse, les rapports financiers, les cabinets de conseil en stratégie. Le PIB mondial croit de 5% chaque année, avec les conséquences que l’on sait sur les écosystèmes et les limites planétaires.

Alors que faire ?

Un autre levier de la croissance, c’est l’augmentation de la marge.

Donc soit :

  • On augmente les prix de vente,
  • On fait baisser les coûts de production, en améliorant la productivité ou en remplaçant les composants le plus chers par de la moindre qualité,
  • On externalise les coûts environnementaux ou sociaux à un autre acteur, pour ne pas les supporter soi-même,
  • On optimise les échanges de marchandises, en flux tendus, grâce à l’efficacité de la logistique mondiale.

Mais, quand tout est optimisé au maximum, il ne reste plus beaucoup de marges de manœuvres lorsqu’un grain de sable vient gripper la mécanique. Or, aujourd’hui, les grains de sables sont plutôt devenus cailloux : surcapacités, baisse de la démographie dans les pays développés, pandémies mondiales, retour des guerres à nos portes, baisse du nombre de pays démocratiques dans le monde, augmentation des populismes …

Le marché continue cependant de valoriser systématiquement les entreprise en croissance, quel que soit leur secteur économique : donc celles qui font exploser les limites planétaires.

Partie 2 : Exemples en entreprises

Pour concrétiser les choses, voici quelques exemples illustrant les interférences de l’Entreprise volumique avec les 9 principes du vivant, détaillés dans l’épisode n°1.

1/ L’Entreprise volumique dans l’industrie de l’électro-ménager : la fabrication de lave-linges

Pour augmenter ses marges, l’entreprise industrielle a deux options : augmenter ses ventes ou diminuer ses coûts de production.

Pour construire un lave-linge de 70kg, il faut utiliser 2 tonnes de matières. Pour répondre à la finalité de croissance volumique, il est nécessaire d’accélérer la rotation des productions au sein des mêmes foyers. Car c’est plus rentable que réparer. La production industrielle, c’est fabriquer, et non réparer. Ainsi l’Entreprise volumique s’organise pour rendre les réparations coûteuses ou impossibles. La production de ces lave-linges est donc réalisée avec une obsolescence programmée de 7 ans. Ce qui permet au fabricant de renouveler automatiquement son parc de lave-linge.

Au détriment notamment des principes « Pas de déchets » et « Croissance limitée ».

 

2/ L’Entreprise volumique dans l’industrie textile : une entreprise de fabrication de tee-shirts

Au Bengladesh, les productions de 50 tee-shirts par minute sont monnaies courantes : pourquoi là-bas et pas ailleurs ?

Il est possible d’y réduire les coûts de production, avec une charge salariale de 17% sur les coûts de revient, soit 10 fois moins qu’en France. Et de réduire aussi les facteurs de production les plus coûteux, comme l’eau, essentielle dans la cette industrie. Elle est rejetée non traitée dans la nature, faute de réglementation contraignante.

Pourtant, les rivières utilisées sont un espace essentiel à la biodiversité, au rafraichissement de l’atmosphère. En passant d’un eau vivante à une eau morte, cela détruit l’écosystème. Ainsi, l’Entreprise volumique externalise les couts de l’eau usée à la collectivité, qui prend en charge cette opération dans ses stations d’épuration.

Dans cet exemple, ce sont notamment les principes « d’Absence de déchets » et « d’Interdépendance » qui ne sont pas respectés.

 

3/ L’Entreprise volumique dans l’industrie des services : un centre d’appels à Madagascar

Pourquoi Madagascar ? Il s’agit de délocaliser à 10 000 km les réponses aux clients d’entreprises françaises, car les coûts salariaux y sont 10 fois moins chers qu’en France. Et là-bas, la culture et la maitrise de la langue française y sont assez développées, en tant qu’ancienne colonie française.

Ici, la logique est la réduction des coûts, pour faire croitre la marge vs l’augmentation des ventes. Les clients exigent de meilleurs prix, la sous-traitance doit donc s’en débrouiller. C’est ainsi que le temps de connexion des conseillers avec leurs clients est limité pour pouvoir traiter le maximum de clients dans la journée. L’abattage au service de la marge.

Ici, c’est le principe de « sous-optimalité » qui n’est pas respecté : la pression est maximale, le manque de sens est patent. Mais que dire aussi du manque de « Diversité », du manque d’expression de sa « Singularité », de la non capacité de « Création continue » ?

 

4/ L’Entreprise volumique au travers d’une de ses fonctions clés : la fonction commerciale

En entreprise, les commerciaux sont le plus souvent gérés avec des tableaux de bords de ventes. Leur activité est suivie en temps réel, grâce à des objectifs, des targets, présents pour vendre toujours plus.

Cette approche heurte de plein fouet le principe de « Croissance limitée ».

Dans cette logique qui consiste à faire toujours plus, la charge mentale est énorme et l’épuisement professionnel, les « pétages de câbles », les « Burn out », quoique souvent cachés, très fréquents.

Mais alors, pourquoi accepter ces conditions, personne ne porte une intention négative en soi, n’est-ce pas ? Laissons la parole à un digne représentant de cette profession : « En tant que commercial, travailler est obligatoire ! Je ne vais quand même pas voir le médecin quand cela ne va pas, car sinon, il m’arrêterait tout de suite »

Pas de récupération possible, pas de respect du principe « d’Équilibre dynamique ».

« Mais laissons-nous un peu aller et imaginons que je sois arrêté(e), que se passerait-il ? Et bien, c’est simple : mon patron risquerait de donner mes plus gros clients aux jeunes commerciaux aux dents longues qui viennent d’arriver. Et là, quid de mes primes et de mes incentives ? Car quand je gagne, dans mon organisation, c’est tout bénéfice pour moi. Pour augmenter le CA donc les ventes, on est les seuls dans l’entreprise à bénéficier d’incentives, de primes, de cadeaux en nature. Tout ça, c’est bien souvent limité aux seuls commerciaux. Alors, que, il faut bien l’avouer, c’est tout le monde qui y participe, le marketing, le service avant vente, l’après vente, … Bizarre quand même, mais bon, je ne vais pas m’en plaindre ».

Pas certain que le principe « d’Interdépendance » soit ainsi respecté…

« Sur cette notion d’interdépendance, nous, les commerciaux, nous ne sommes pas organisés pour être solidaires entre nous. On est tous dans une compétition permanente, il faut faire plus que les autres et cela finit par nous détruire. Le discours officiel, c’est que la concurrence permet d’être plus innovants. Cela s’applique bien sûr aussi à nous, commerciaux ».

En général, les commerciaux tiennent 2 ans1/2 à 3 ans dans une entreprise, cela ressemble plus à une course de vitesse qu’à un marathon. Le turnover est énorme.

Quid du principe de « Sous-optimalité » face à la performance demandée ?

Et pourtant, l’Entreprise n’est pas négative en soi. Elle porte juste l’intention de croissance volumique. Les actionnaires s’engagent et prennent des risques pour un retour sur investissement. Il faut bien sûr les rémunérer, donc augmenter les volumes, rien de plus logique, n’est-ce pas ?

 

5/ L’Entreprise volumique dans l’agro-industrie

La Beauce est l’un des greniers à blé de la France, on en est fiers ! Du blé à perte de vue, en mono culture, partout, tout le temps !

Une belle illustration du non-respect du principe de « Diversité ».

Dans l’absolu, l’agro-industrie ne porte pas d’intention négative, en soi.

Elle ne fait que respecter un modèle productiviste : mécanisation, gros volumes, économies d‘échelles, simplification des cultures, minimisation des coûts. A une époque, il y avait même des clubs informels d’agriculteurs, réunis autour d’une production à 100 quintaux ! Soit, une récolte de 10 t. de blé à l’hectare, une productivité gigantesque par rapport au niveau habituellement rencontré ailleurs dans le monde !

Tout cela grâce aux engrais, produits chimiques et phytosanitaires, vendus par les firmes industrielles aux coopératives, pour leurs adhérents, pour produire plus, plus vite, sans aléas, dans un monde pourtant toujours aussi fluctuant.

Ce que cela a produit ? Des sols tout à fait « propres », sans plus aucuns vers de terres, contraints à recevoir toujours plus de produits chimiques et d’engrais pour produire.

Où sont passés les principes « d’interdépendance » avec la terre nourricière, de « Non-rejet de déchets non assimilables » ?

Autre exemple, la culture du maïs, importée d’un autre pays du monde, avec d’autres caractéristiques hydrogéologiques que les nôtres. Cette culture nécessite beaucoup d’eau, or nous avons tendance à en manquer de plus en plus.

Quid du principe de « Sous-optimalité », « d’Équilibre dynamique », de « Croissance limitée » ?

Et pour l’agriculteur, d’énormes investissements réalisés (les moins « rentables » de toute l’industrie !), des dettes sur le dos, la pression sur son équilibre financier, la nécessité de produire plus pour rembourser ses emprunts. La boucle est bouclée et le système totalement bloqué.

 

6/ L’Entreprise volumique dans l’industrie du bâtiment

Souvent, les promoteurs sont pointés du doigt pour le manque de qualité de leurs prestations dans les habitations qu’ils construisent : isolation bâclée, manque de prises électriques, malfaçons… Tous les ans, les sinistres déclarés augmentent de 7%.

Mais pourquoi tout est construit au rabais ?

Les promoteurs, comme tous les autres acteurs de l’Entreprise, n’ont pas forcément d’intention négative en soi, n’est-ce pas ? Ils cherchent juste à maximiser leur plus-value, en rognant sur les dépenses partout, en utilisant les sous-traitants au rabais.

La répartition des coûts pour des bâtiments, c’est 5% de conception, 15% de construction et 80% d’entretien. Les promoteurs ne sont concernés que par les 20% initiaux : ils conçoivent donc des bâtiments sans se soucier de leur avenir, qui reviennent ainsi plus chers à l’usager. Mais « cela ne les regarde pas », ils ne sont pas propriétaires.

Dans ce cas, c’est le principe de « Décentralisation » qui n’est pas respecté.

Par ailleurs, avec une architecture peu modulable, ni réversible, il faut détruire systématiquement les cloisons pour éventuellement changer la configuration des pièces.

Cela contribue ainsi à la production de « Déchets non assimilables ».

Chaque année, ce sont près de 46 millions de tonnes de déchets issus des constructions qui sont produites, sans pouvoir les recycler !

Partie 3 : Est-il possible de s’en sortir, et comment ?

De l’Entreprise volumique à l’Entreprise durable, une évolution suffisante ?

Les méfaits de l’Entreprise volumique, tels que présentés ci-dessus, ne sont pas une découverte : cela fait déjà une dizaine d’années que cette problématique est sérieusement questionnée. Et souvenons-nous du rapport Meadows, qui remettait en cause l’impact du fonctionnement économique sur la planète dès 1972…

Ainsi, pour diminuer l’empreinte négative de l’Entreprise volumique sur la planète, il convient donc de viser la durabilité, pour diminuer son empreinte écologique, dans une intention responsable.

Cela s’effectue non seulement au niveau de chaque entreprise, mais aussi en incluant tous les niveaux d’échelles concernés :

1/ Son impact direct (i.e. en réduisant la consommation de matières premières),

2/ Son impact indirect (i.e. en réduisant la consommation d’énergie induite par notre production et/ou nos transports),

3/ L’impact de ses fournisseurs et utilisateurs,

4/ et enfin, l’impact global sur la planète et les écosystèmes, de l’ensemble de la supply chain globale, intégrant celle des fournisseurs de ses fournisseurs, mêmes inconnus.

Pas une évidence…

D’autant que des progrès effectués dans certains domaines en matière de durabilité peuvent engendrer certains effets pervers, qui viennent renforcer le problème plutôt que l’atténuer.

Par exemple :

1/ Dans l’industrie textile responsable

Des progrès dans les processus de production et dans la moindre consommation d’eau, des alliances avec des concurrents pour soutenir une filière de production de coton moins consommatrice d’eau et d’intrants.  Mais malheureusement aussi l’adhésion aux pratiques désastreuses de « fast fashion », pour in fine augmenter les ventes de manière considérable. Et ainsi renforcer l’empreinte carbone.

 

2/ Dans un centre d’appel responsable

Doté d’une charte des bonnes pratiques, garantissant une amélioration des conditions de travail, des salaires 10% au-dessus de son secteur d’activité.

Les conseillers peuvent prendre quelques secondes de plus à chaque appel pour mieux comprendre le contexte de leur client. Sans pour autant changer les éléments structurants du système ; le services est hyper centralisé à l’étranger, le prestataire est toujours rémunéré au nombre d’appels reçus ou émis, la logique de valeur reste la même, la relation avec les clients n’est pas une priorité.

 

3/ Chez les commerciaux devenus responsables

Des formations à la vente responsable, bannissant les pratiques déontologiques douteuses, des supports marketing éco-conçus et imprimés sur du papier PEFC, des maladies mieux prises en charge. Pour autant, les objectifs, targets et autres pipe lines qui n’ont pas bougé, sinon… à la hausse !

 

4/ Le promoteur responsable

Grâce à la construction de bâtiments HQE (Haute Qualité Environnementale), qui respectent les standards zéro carbone. Tout en continuant d’utiliser un maximum de béton, très émetteur de CO, avec des bâtiments toujours destinés à un usage unique, et construit toujours en masse.

 

5/ L’agro-industriel responsable

Grâce au soutien des industriels pour réduire la quantité de ses intrants chimiques, à des contrats d’achats allongés pour offrir des perspectives d’exploitation à moyen terme.

Mais avec des prix d’achats de ses productions qui restent trop faibles pour permettre une remise en cause de ces pratiques, telles que les intrants azotés et phosphatés qui continuent de dégrader la vie des sols et la biodiversité environnante, et à dépasser un peu plus les limites planétaires.

Alors, en synthèse, est-il possible de s’en sortir ? et comment ?

Réduire ses impacts, son empreinte carbone, constituent des premiers pas nécessaires. Mais malheureusement non suffisants, car les indicateurs écologiques ne cessent de se détériorer.

Face au risque avéré d’extinction de l’espèce humaine, l’Entreprise doit changer de paradigme : passer à un objectif d’impact positif net sur les écosystèmes naturels et sociaux. L’Entreprise doit réparer, restaurer, régénérer ce qui peut l’être, recréer les conditions permettant au vivant naturel et humain d’exprimer son potentiel.

L’Entreprise doit dès à présent s’engager dans une intention, non plus seulement durable ou responsable, mais aussi régénérative.

 

Ne manquez pas notre 3ème épisode : « Dévoiler l’entreprise régénérative »